28/08

Habiter son corps ; la méthode Alexander

  • Corporéité

  • Mouvement

  • Respiration

La méthode Alexander participe de ce courant qui réhabilite non pas le corps, mais une approche globale de l’être humain que le cadre psychanalytique, trop souvent détourné de son sens, a eu tendance à découper en cloisonnements. En revanche, si la demande est de « s’approprier sa corporéité » pour se trouver bien établi en soi-même et ainsi pouvoir prendre sa place, le résultat sera un grand sentiment de vitalité, la fierté d’exister et la capacité d’ouverture à l’autre.

 

L’être humain dans sa globalité

Bien souvent, l’être humain préfère chercher à l’extérieur la vérité qui est en lui. Si le « culte » du corps est si présent aujourd’hui, c’est que le corps n’est pas habité : l’être est absent à lui-même ; le corps est rabaissé au rang d’outil, d’instrument ou de machine : l’âme n’est plus qu’un moteur mécanique, elle n’est plus en relation avec l’esprit…On peut définir l’âme comme la sensibilité vivante et singulière qui anime l’être ; l’esprit désigne la lumière de la conscience, donc la capacité de se représenter, de discerner et de penser.

 

Cultiver la fluidité : souffle & respiration

Les émotions partent du corps ; le sentiment vient du cœur. Le professeur perçoit et vit ces émotions souvent avant que l’élève en ait conscience : la tristesse, le chagrin, la colère…

     1• Une sensation peut amener une image, qui à son tour fait surgir un souvenir. Une sensation peut donner un sens à tout un ensemble de signes qui n’en avaient pas, ou entre lesquels il ne semblait pas y avoir de liens ; comme lors d’une association libre en psychanalyse.

    2• Les émotions profondes, anciennes, sont souvent douloureusement et volontairement cachées par instinct de survie : elles sont difficiles à nommer et à désincruster. Il y a aussi des émotions qui sont le lot quotidien, pourrait-on dire, plus ou moins faciles à vivre. Les moments fortement chargés en émotions sont fatigants. Après une émotion douloureuse, nous avons souvent l’impression d’avoir été roués de coups, d’être courbatus ou complètement épuisés. Un fou rire donne des crampes d’estomac ; la joie et le bonheur réchauffent. Les émotions ont chacune leurs sensations spécifiques…

   3• La respiration, témoin intérieur : Notre civilisation donne la première place au cérébral, au mépris de la respiration naturelle qui favorise la disponibilité et la créativité. Une personne entravée par la peur, souvent sans le savoir car elle ne connaît pas d’autre état, respire peu, sa respiration est petite. Il arrive fréquemment que la respiration ne soit qu’au niveau de la poitrine ou de la gorge, ou même du ventre, alors qu’elle peut se répartir des pieds à la tête. Nous avons souvent le souffle coupé devant les difficultés que nous rencontrons,  tout comme devant une peur passagère ou une émotion violente. L’angoisse « étouffe ». Dans le calme et la confiance retrouvée, la respiration se fait simplement.

♥ Se poser est agréable et important, même dans le cas d’un moment d’effort particulier.

  4• Les songes, respiration de l’âme : Qualités essentielles du rêve : c’est une manifestation de clairvoyance. Du registre de la métaphore, la vision est une forme d’expression de l’inconscient. Le rêve a un pouvoir de transformation comme vision intérieure, source d’information sur une situation douloureuse, puis force de transformation.

   5• Eloge de la sincérité : Pour avoir une relation sincère avec quelqu’un, il est nécessaire de dire ses ressentis, ses émotions, ses désaccords, les moments où l’on se sent heurté par des propos ou des comportements. Nous choisissons souvent d’éviter le conflit par peur de gâcher la relation ou parce que nous avons honte de nous sentir blessés, mais l’évitement n’est pas une solution pour avancer. Parler et échanger offre de nouvelles possibilités d’ouverture. Au fur et à mesure de l’évolution du travail Alexander, l’exigence d’être en accord avec soi-même augmente, et la possibilité de se mentir, de se soumettre ou de se trahir s’éloigne.

Aller au fond de soi, sans fuir la réalité, en s’abandonnant intérieurement, amène la paix et l’ouverture. Il est des pensées qui s’accompagnent de larmes salvatrices car elles vident un trop-plein et redonnent de l’élan, alors que les idées sans nouveauté ne constituent qu’un remue-ménage qui ne change rien. La dépression et la souffrance peuvent être des dons de la vie, car elles nous mettent en contact avec notre humanité : elles nous éveillent et nous mettent en mouvement. Souvent, lorsque nous nous sentons atteints ou fragilisés par le déni ou le désamour, la vie invente des signes ; il est important de les entendre et de les suivre.

L’acceptation d’une rencontre porteuse de sens et d’avenir est aussi amenée par ce désir profond plus ou moins conscient de bouger, de changer, de sortir de la difficulté, de la souffrance, de l’inertie. Les schémas profonds de fonctionnement dans lesquels nous semblons être enfermés deviennent de plus en plus insupportables. La mise en mouvement est alors une nécessité vitale. Chaque progrès est une étape dans le parcours d’une existence.

Plus nous avançons dans cette exploration du corps vivant en relation avec l’esprit, plus nous découvrons que tout est mouvement. La vie est mouvement : l’émotion est un mouvement d’énergie, la respiration est un mouvement du souffle et de la vitalité, les sentiments sont les mouvements du cœur, les rêves sont des mouvements de l’âme et de l’inconscient, la sincérité est le mouvement d’une parole habitée.

 

Etre en mouvement, toucher, désirer

Lorsqu’un automatisme se défait de nous, il laisse place à un fonctionnement qui est plus naturel ; il donne une impression de légèreté, facilité et fluidité. Nous sommes moins dans le « faire » et moins dans le « vouloir ».

Ce « non-faire », qui est un long processus, demande beaucoup d’attention et de présence. Il est possible de voir cette présence comme un « abandon » de la pensée habituelle pour laisser place à la force vitale, à la circulation de l’énergie. L’attention requise pour être présent et conscient demande de la force et de la volonté ; il n’est pas question de vouloir, ni de tendre vers, mais au contraire de permettre à l’énergie de se mouvoir librement pour laisser place à autre chose.

En nous accordant le temps de regarder nos habitudes, nos croyances et nos idées, ainsi que leurs origines, le choix devient possible. La perception d’un meilleur équilibre agrandit le regard.

Comme les enfants qui démontent un jouet pour découvrir son mécanisme, la plupart des élèves Alexander sont surpris de découvrir qu’ils sont eux-mêmes la marionnette et le marionnettiste. Le travail qui nous attend si nous désirons l’indépendance est ardu : rompre ce qui semble être une maltraitance envers soi-même est difficile.

Nous souhaitons encore souvent oublier notre corps et nos habitudes. Nous sommes en effet dépendants de postures qui ont pu avoir une signification à un certain moment (protection, défense), mais qui n’ont plus de raison d’être. Passer d’une position de rétrécissement à l’amplitude d’un corps détendu est en même temps agréable et effrayant. Il est nécessaire de trouver de nouveaux repères dans notre rapport au monde.

  

Comment enchanter son quotidien ?

C’est en choisissant de se conformer aux impératifs du corps social que l’individu souffre de ne pas parvenir à habiter son propre corps et que commencent les dérives douloureuses menant loin de soi…

Nous ne pouvons être vivants sans connaître les joies et les peines du quotidien, l’alternance de l’espoir et du désespoir. Nous ne pouvons pas nous dire humains si nous ôtons l’ombre à la lumière, le masculin au féminin, l’attente à l’action.

Lorsque tout devient mental et abstrait, on peut parler de mentalisation. Les mentalisations sont des freins à la vie harmonieuse : elles coupent l’être de son corps, de son environnement et de ses relations avec les autres. La pensée faussée, intellectuelle, reste figée dans le front, coupant l’être en deux au niveau de la nuque. Au contraire, la pensée juste, sensible, vivante, coule dans tout le corps, de la tête aux pieds et des pieds à la tête, dans les deux sens (dixit nombreuses expériences cliniques des trois auteurs).

Il est chaque fois très étonnant et très émouvant de voir combien les réponses de l’extérieur changent lorsque nous nous accordons ce temps intérieur. Tout se passe comme si notre environnement se permettait cette respiration en même temps que nous.

 

Conclusion

« Il ne s’agit pas de bouger extérieurement, mais de s’habiter intérieurement » (toujours revenir à soi en pensant à sa verticalité et à son calme intérieur). 

Il est fondamental de bien différencier la « concentration », qui est une fermeture, et l’attention, qui est une présence à soi, à l’environnement et aux autres (ex. de Jean-Laurent Cochet, professeur d’art dramatique & metteur en scène, qui demande à ses comédiens de « se rassembler » avant d’entrer en scène).

Cette disponibilité intérieure développée pas à pas facilite la réalisation de vrais choix : nous pouvons affirmer clairement nos Oui et nos Non.

Se transformer en profondeur pour grandir et devenir plus humain requiert de quitter les anciens sillages. La méthode Alexander, comme tout parcours initiatique ou psychanalytique, repose sur un engagement vers la connaissance de soi et débouche sur une conversion. C’est « l’épreuve du seuil » : j’accepte de me voir vraiment, de me considérer comme je suis ; je peux alors me transformer pour aller au-delà des habitudes et du connu.

Aucune avancée n’est complètement définitive: dans tout chemin d’humanisation, les progrès sont modestes à chaque fois, c’est d’ailleurs le signe qu’ils sont réels. L’humilité ne constitue-t-elle pas l’humus de toute transformation véritable ?

Etre capable d’écouter vraiment les autres passe par un préalable nécessaire : apprendre à être à l’écoute de soi-même et de ses ressentis. Cet accueil favorise une réponse plus juste aux aléas parfois difficiles de la vie personnelle et professionnelle.

 

Auteurs: Christine Hardy, Laurence Schifrine, Saverio Tomasella

Editions: Eyrolles/ Comprendre & Agir

 

Réflexion:

En effet « miroir », en quoi cette lecture pourrait-elle évoquer votre parcours et comment pensez-vous qu’elle nous inspire dans nos accompagnements de cadres & dirigeants, en OUTPLACEMENT INDIVIDUEL et EXECUTIVE COACHING ?

Au plaisir de futurs échanges …