30/03

La crise du milieu de vie

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Le midi de la vie est très souvent vécu comme un moment de crise, car nous nous trouvons dans une période de transition et d’instabilité. De plus, la crise personnelle du milieu de vie coïncide aujourd’hui avec une crise collective, économique et écologique qui majore les problèmes personnels et nous fragilise. Il apparait alors indispensable de pouvoir s’appuyer sur un axe intérieur suffisamment stable. Arrivés au terme de la première partie de notre vie, un bilan s’impose : les premiers signes corporels de vieillissement surviennent…mais parallèlement nous vivons un processus de maturation et de mutation. Le soleil a tourné, il éclaire l’autre versant de la montagne que nous voyons alors différemment. L’identité à laquelle nous nous sommes adossés jusqu’alors est fragilisée et vacille sur son axe. Nous ne pouvons plus nier que nous sommes en route vers une autre étape de notre vie, une mutation féconde, une période complexe, qui nous incite à prendre de la distance avec le monde extérieur, le social, le professionnel et le paraître.

Qu’avons-nous fait de notre vie ? La rencontre avec notre vulnérabilité physique et psychique nous permet de découvrir en nous des désirs autres que ceux qui avaient gouverné notre vie jusqu’alors.

Lorsque l’investissement dans notre identité sociale, familiale ou professionnel est excessif, il absorbe notre énergie vitale et nous nous coupons de nos besoins plus personnels. La réussite socioprofessionnelle se fait alors au détriment de l’équilibre global de la personne, du développement de son être, ce qui peut entrainer un déséquilibre important avec des risques pour la santé physique ou mentale. Nous pouvons alors entrer en contact avec un « grand vide à l’intérieur de nous-même», caché jusque-là pas nos multiples activités professionnelles, toujours pressés, toujours dans le besoin de faire trois choses en même temps, toujours à la recherche d’une efficacité imbattable. Nous pouvons en effet être amenés à compenser un intense sentiment de dévalorisation vécue au cours de notre enfance, au prix de la négation de nos propres besoins profonds. Certains peuvent aller très loin dans l’espoir de compenser ce manque d’estime pour eux-mêmes, jusqu’à dépasser la limite de leurs forces (« sur-occupés », nous fuyons notre monde interne ; on peut ressentir « un manque à être » que nous fuyons par un investissement intellectuel). Ce besoin de performance démesuré, qui peut prendre la forme d’être « prêt à se tuer au travail », est lié au fait de vouloir dépasser le sentiment de n’avoir aucune valeur par rapport aux modèles familiaux. Si nous sommes lucides, nous préférons nous épuiser dans des activités diverses plutôt que d’affronter le terrible face à face avec notre angoisse existentielle.

La crise du milieu de vie correspond à un moment de rupture et l’occasion d’une prise de conscience, « d’un éveil existentiel ». Autant il est naturel, au cours de notre jeunesse, d’être tourné vers l’extérieur pour y faire notre place, autant ce milieu de vie est l’occasion de s’orienter vers notre monde interne. La qualité de la relation l’emporte désormais sur la quantité.

A la vivacité impétueuse qui nous emportait parfois succède une énergie plus intériorisée, promesse d’un équilibre paisible.

Les masquent tombent : dans un premier temps, nous sommes préoccupés par notre propre personne, puis nous vivons surtout pour les autres. Tout comme on peut s’oublier derrière la fonction professionnelle, on peut également être enseveli sous les fonctions familiales, conjugales et filiales, et ainsi perdre de vue la personne que l’on est en dehors de ces divers rôles. Qui sommes-nous sans cet ancrage ? Avons-nous une valeur personnelle en dehors de notre identité sociale et professionnelle ? Il s’agit, dans un premier temps, de « débusquer » le masque social et de comprendre ensuite la fonction qu’il a pour nous, ce qu’il compense de nos manques, pour pouvoir ensuite s’en affranchir. La plupart du temps, nous ne nous rendons pas compte du rôle dans lequel nous nous sommes enfermés et de la fonction qu’il a pour nous : c’est un évènement de la vie qui nous force à faire tomber le masque et à affronter le vide qu’il recouvrait.

La persona masque certes des facettes de notre personnalité intime, mais elle comporte aussi des aspects positifs et indispensables à notre identité. Notre personnage social contribue à construire un espace intime, loin du regard d’autrui. Il nous sert donc d’abri.

L’identification à notre apparence sociale a étouffé nos aspirations et aptitudes enfouies ; celles-ci vont pouvoir émerger une fois que nous aurons fait le deuil de nos personnages. Nous sommes alors habités par des doutes et des contradictions : ils manifestent l’accès à une maturité qui consiste à accepter que nous ne sommes pas seulement ce dont nous avons conscience ; les remises en question qui en découlent nous conduisent naturellement à modifier notre relation à nous-mêmes, aux autres et « au monde ». La relation avec l’autre peut changer à partir du moment où nous nous présentons humblement, tels que nous sommes. Une parole « habitée » par le cœur permet de franchir les obstacles au sein d’une relation ; cela devient possible une fois que nous avons accepté notre propre complexité et nos contradictions, ainsi que celles de l’autre.

Finalement, il est indispensable de nous affranchir de nos masques pour avoir accès à nos ressources insoupçonnées. Cette démarche est souvent douloureuse car notre personnage social avait, entre autres, pour fonction de compenser le manque d’estime de nous-mêmes, d’exprimer ce que nous avions intériorisé de nos modèles, de nos idéaux, tout en faisant obstacle à notre identité profonde. Pour devenir sujet à part entière, nous ne pouvons pas éviter le sacrifice de cette identification à un personnage. Il s’agit de se mettre en position d’accueillir humblement et sans jugement a priori ce qui émerge en nous ; à commencer par la « craquelure » de notre façade sociale – à l’instar d’un poussin qui sort de l’œuf. Nous pourrons ainsi entrevoir notre être « thésaurisé » : cet être insoupçonné de nous-mêmes, contenant tous les possibles, qu’ils soient positifs ou négatifs. C’est alors que nous sommes invités à prêter attention à nos blessures ; prendre conscience de nos fragilités nous relie en profondeur à nous-mêmes, aux autres et nous humanise.

Eclairer notre Ombre implique de reconnaître les illusions que nous nous sommes faites sur les autres et nous-mêmes. Cette expérience inconfortable rend également possible une rencontre authentique avec ce que nous sommes. En fait, chacun de nous est habité de pôles contraires. Lorsqu’un d’eux est trop lourdement investi, la fonction compensatrice de l’inconscient fait émerger le contraire, dont l’Ombre. A chaque étape de notre évolution, nous avons à « saluer » une autre part contraire de nous-mêmes. Jung nomme ce processus de croissance, celui de l’« individuation » ; l’intégration de ces facettes restées inconscientes et étrangères, et donc souvent projetées sur les autres, sera indispensable pour devenir plus « entiers ».

 

Auteur: Lisbeth von Benedek

Editions: EYROLLES – Comprendre & Agir »

 

Réflexion:

En effet « miroir », en quoi cette lecture pourrait-elle évoquer votre parcours et comment pensez-vous qu’elle nous inspire dans nos accompagnements de cadres & dirigeants, en OUTPLACEMENT INDIVIDUEL et EXECUTIVE COACHING ?

Au plaisir de futurs échanges …