Le code caché de votre Destin
« Avant même la cause, il y a le mouvement interne en quête de soi-même » (Plotin).
Le modèle d’explication dominant, qui assimile la vie humaine à une interaction entre la génétique et l’environnement, omet l’essentiel : le sentiment de l’individualité. Dès lors que j’accepte d’être le produit d’un subtil ballotage entre forces sociales et héréditaires, je me réduis moi-même à un simple résultat. Si mon existence se réduit à ce qui est inscrit dans mes chromosomes, à ce que mes parents ont fait ou non et aux affects de ma petite enfance, c’est qu’elle déroule de l’histoire d’une victime. Je vis une intrigue écrite par un code génétique héréditaire, les traumatismes de l’existence, l’inconscience de mes parents et les aléas de la vie sociale. L’image de victime n’est que le revers d’une médaille dont la face arbore une autre identité : celle du héros à la volonté de fer qui s’est fait lui-même, forgeant seul son propre destin. Pile, la victime, face, le héros.
Ce livre traite de la vocation, du destin, de la personnalité, de l’image innée. Autant de concepts qui forment la « théorie de l’akène », selon laquelle chaque personne porte en soi une unicité qui demande à être vécue et est déjà présente avant de pouvoir être vécue. Cette destinée inscrite dans l’akène, la graine, la semence, le gland du chêne, se retrouve souvent par le biais d’une thérapie ou d’un coaching. A l’âme de chacun d’entre nous est attribué un daimon unique avant la naissance, qui a choisi une image ou un modèle que nous incarnons sur terre. Cette âme-compagnon, le daimon, nous guide ici-bas ; mais à notre arrivée sur terre, nous oublions ce qui s’est passé et croyons être vides et solitaires. Le daimon se souvient de notre image et de ce qui caractérise notre modèle, et c’est ainsi qu’il est porteur de notre destinée.
On peut repousser, esquiver une vocation, voire la manquer à plusieurs reprises. Elle peut aussi vous posséder entièrement. Quoi qu’il en soit, elle finira par apparaître. Elle revendiquera son dû. Le daimon n’abandonne pas. En tant que force du destin, le daimon personnel est un mentor qui vous guide et vous rappelle à votre vocation. Il veut être vu, remarqué, reconnu, en particulier par la personne sur laquelle il veille. Nous cherchons depuis des siècles un terme approprié correspondant à « cet appel » ; les Romains l’appelaient le genius, les Grecs, le daimon, et les Chrétiens, l’ange gardien.
Ce livre est un plaidoyer pour l’enfance. Nous devons prendre en compte que l’expérience et le comportement de l’enfant témoignent de sa vocation particulière. Les enfants vivent deux vies à la fois, celle qui leur est donnée à la naissance, et celle qui leur vient de leur entourage. L’image entière de la destinée est inscrite au sein d’une akène minuscule, fruit d’un chêne immense sur de petites épaules. Ses exigences sont aussi audibles et impératives que les voix de l’extérieur. Ses appels se manifestent dans les colères et les caprices, la timidité et le repli sur soi, qui semblent opposer l’enfant au reste du monde mais ne sont peut-être qu’une façon de protéger le monde intérieur qu’il apporte avec lui. Le daimon ne veut pas être traité comme un enfant et n’a rien d’un enfant intériorisé. En fait, il supporte très mal d’être emprisonné dans le corps d’un enfant. La cohabitation d’une vision achevée et d’un être humain inachevé est difficile à vivre.
L’enracinement :
Avoir solidement les pieds sur terre, c’est le but final auquel on accède bien après que la tête a commencé de fonctionner. Tant que notre culture ne reconnaîtra pas la légitimité de l’enracinement, on aura du mal à donner un sens aux phases de désespoir par lesquelles l’âme doit passer en s’avançant dans la vie.
La démystification parentale :
Ce n’est pas le système familial qui est malade, mais ce système économique absurde dont l’escroquerie consiste à substituer la quantité à la qualité spirituelle, à vouloir « plus » quand il faudrait viser « au-delà ».
Aujourd’hui, les parents se font un devoir d’apporter à leurs enfants le bonheur. Mais comment dispenser le bonheur quand on n’est pas heureux soi-même ? Chez les Grecs de l’Antiquité, bonheur se disait eudaimonia, littéralement contentement du daimon. Autrement dit, seul le daimon qui reçoit toute l’attention qui lui est due peut faire le bonheur d’une âme d’enfant. Le meilleur moyen de contribuer à la félicité d’un enfant est de commencer par prendre « soin de notre âme ». Vouloir le bien-être spirituel de l’enfant avant votre propre accomplissement moral, c’est tourner le dos à votre akène. Vous faites de l’enfant un substitut ; vous reportez votre vocation sur lui et personne n’est content. Votre daimon se plaint d’être délaissé, et votre enfant n’apprécie pas qu’on le réduise à une effigie de vous-même. L’enfant ne peut remplacer le daimon ! Et quand c’est l’enfant qui devient votre raison de vivre, vous avez oublié le sens spirituel de votre existence. Pour que la vocation de l’enfant puisse se réaliser, il faut d’abord remplir la vôtre.
L’invisible revisité :
L’akène vient avec ses talents et ses limites, et seule la perspicacité de l’enseignant peut jeter une passerelle entre l’intuition et l’instruction, et permettre au talent de s’épanouir. Le fossé entre ce que ressent l’enfant et la façon dont on le perçoit à l’école peut se creuser de deux manières différentes. Le plus souvent on considère l’enfant qui suit sa propre voie invisible comme un « inadapté », une tête de mule, rebelle ou stupide ; mais on peut aussi le considérer comme intelligent, malgré lui. Dans les deux cas, le fossé demeure.
Bien souvent, la vocation ne se montre pas à l’école, mais en dehors, dans des activités extra-scolaires ou les loisirs ; comme si les programmes et les horaires scolaires faisaient obstacle à l’akène. Les examens sont un moment rituel, où tout peut arriver. La réussite peut être une confirmation de la vocation, l’échec une façon de faire savoir que l’on se dirige dans une fausse direction. Il faut considérer l’échec scolaire d’un autre œil : intuitivement, le daimon ne peut se plier à une scolarité normale et se transforme alors en démon. Le destin encore invisible se manifeste par des défauts bien visibles. Nous devons être attentifs au travail éventuel de l’invisible chez nos enfants, au cas où les troubles de leurs comportements seraient la manifestation de l’ange et non le symptôme de la maladie. Jung : « Des dieux, nous avons fait des maladies » ; percevoir l’ange derrière la maladie suppose de garder les yeux ouverts sur l’invisible, sur l’autre monde.
« Vous ne pouvez voir l’ange si vous n’en avez pas une idée préalable » ; faute de quoi, l’enfant vous paraîtra simplement stupide, entêté ou malade.
Etre, c’est être perçu (George Berkeley):
La réceptivité prémonitoire consiste « à voir au-delà du garçon d’aujourd’hui ce qu’il deviendra demain ». L’akène requiert la présence d’un mentor. Le talent du mentor se met en œuvre dès que l’esprit tombe amoureux de la vocation de quelqu’un d’autre (échanger cœur à cœur, akène à akène).
Les livres aussi peuvent faire office de mentors, et même receler des instants initiatiques.
Le destin :
Guetter le clin d’œil du destin est un acte conscient, réfléchi. Le but de l’akène se manifeste violemment ; vous pouvez vous en sentir imprégné. Mais son contenu reste imprécis, comme les moyens d’y parvenir. Le but ne se manifeste généralement pas comme un objectif aux contours bien définis, mais plutôt comme une vague aspiration qui, pour être floue, n’en est pas moins impérieuse. L’akène agit moins comme un guide personnel vers un objectif à long terme, que dans un style fluide, par une dynamique intérieure qui donne l’impression que les occasions qui se présentent ont un sens. Vous avez l’impression qu’il se passe quelque chose d’important : que cet instant apparemment anodin a une signification, alors que les évènements « importants » ne le sont pas autant qu’on le croit.
Ce qui fait les destins exceptionnels est moins l’appel de la gloire que la personnalité de l’individu, son incapacité à se consacrer à autre chose qu’à sa vocation, la passion avec laquelle il exécute ce que lui dicte son akène et les rêves qu’elle lui inspire. La théorie de l’akène prétend que chacun d’entre nous se détache du lot. Le seul fait d’exister en tant qu’individu implique une akène unique en son genre.
L’akène incite à se dépasser ; sa passion principale est la réalisation. La vocation exige une totale liberté dans sa quête comme dans sa réalisation, ce que la société ne peut garantir. C’est l’existence de la vocation qui nous accorde l’égalité et nous exhorte à la liberté.
L’erreur la plus courante consiste à identifier exclusivement la vocation à une carrière professionnelle particulière, au lieu de prendre également en compte le talent qu’on y déploie. Car la personnalité ne tient pas à ce que vous faites, mais à la façon dont vous le faites. On ne sait rien de la personnalité de quelqu’un tant qu’on l’estime à son pouvoir ou à ses performances professionnelles. C’est la personnalité de l’individu qui forge son existence, quelle que soit l’obscurité de cette dernière.
Notre vie s’invente au fil des jours, en dépit des contingences du quotidien. C’est le souvenir, la reconstitution des faits, qui donne sa cohérence au passé. L’enfance ne prend son sens que rétrospectivement. L’on n’aperçoit l’akène qu’après coup.
Auteur: James Hillman
Editions: Réponses/ Robert Laffont
Réflexion:
En effet « miroir », en quoi cette lecture pourrait-elle évoquer votre parcours et comment pensez-vous qu’elle nous inspire dans nos accompagnements de cadres & dirigeants, en OUTPLACEMENT INDIVIDUEL et EXECUTIVE COACHING ?
Au plaisir de futurs échanges …